Par Jean-Christophe MENARD (avocat au Barreau de Paris, docteur en droit, Maître de conférences à Sciences Po Paris)

 

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Le 11 avril, le Premier ministre a indiqué que le projet de loi de moralisation de la vie publique s’appuierait sur trois piliers : la lutte contre la fraude fiscale, l’offensive contre les paradis fiscaux, la transparence du patrimoine des élus. Mais à ces trois piliers, certes indispensables, il en manque un quatrième, tout aussi nécessaire : celui de la transparence du financement de la vie politique. Or, pour l’instant, ce quatrième pilier est totalement absent des débats.

 

Cette absence est regrettable car le projet de loi sur la moralisation de la vie publique est une opportunité pour combler les vides de la législation sur le financement de la vie politique. Et ils sont nombreux. L’affaire « Woerth-Bettencourt », l’usage des « micro-partis politiques », les irrégularités lors des primaires internes ne sont que les manifestations d’une insuffisance des textes en vigueur. Cartes sur table appelle donc à un « choc » de transparence et invite le Parlement à intégrer dans le projet de loi de moralisation de la vie publique de nouvelles dispositions sur le financement de la vie politique. Ces dispositions doivent concerner, en priorité, le financement des partis politiques et les ressources financières des parlementaires.

La moralisation de la vie publique exige tout d’abord un encadrement plus strict du financement privé des partis politiques.

Actuellement, pour contourner le plafonnement des dons fixé à 7 500 euros par parti et par personne, il suffit de verser plusieurs dons de 7 500 euros à autant de « micro-partis » qui les reverseront ensuite à un seul et même parti politique. Pour les cotisations, la question ne se pose même pas : la loi ne prévoit aucun plafonnement. Trois mesures s’imposent donc : aligner le régime juridique des cotisations sur celui des dons, interdire à un même donateur de verser dans l’année plus de 7 500 euros à un ou plusieurs partis et, enfin, prohiber les financements entre groupements politiques.

De même, l’encadrement du financement public des partis souffre d’insuffisances. Il est incompréhensible qu’une formation politique soit éligible à l’aide publique en ne présentant qu’un candidat en outre-mer. Quant aux sanctions financières dues au non-respect de la parité, elles s’avèrent trop peu dissuasives. Le projet de loi de moralisation de la vie publique doit y remédier.

Que dire encore de la publication annuelle des comptes des partis politiques au Journal officiel qui est non seulement illisible, mais incomplète. Le siège social du parti, l’identité de ses dirigeants, la dénomination des sociétés dans lesquelles un parti possède une participation minoritaire, de même que les déclarations de rattachement des parlementaires sont autant d’informations que le principe de transparence impose de rendre publiques.

Enfin, et c’est une évidence, sans un budget conséquent, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques ne peut contrôler efficacement les comptes de plus de 300 partis politiques.

En outre, le projet de moralisation de la vie publique est une opportunité pour inscrire dans la loi le principe de transparence des ressources financières des parlementaires.

Entre les indemnités « de bases », « de résidence », « de fonctions » ou bien encore les indemnités « représentatives de frais de mandat », le citoyen lambda ne s’y retrouve plus ! Il n’y voit pas plus clair quand on lui parle des « réserves parlementaires » dont l’affectation ne fait l’objet d’aucun encadrement. Que dire également des modalités de recrutement des collaborateurs laissées à la discrétion des parlementaires. Cette opacité ne fait qu’alimenter la défiance des citoyens à l’égard de leurs représentants.

Comment inverser cette tendance ? A travers deux mesures. La première : doter les collaborateurs parlementaires d’un statut général prévoyant que leurs conditions de travail, de rémunération et, surtout, de licenciement relèveront dorénavant des services de l’Assemblée nationale et du Sénat. La seconde mesure : imposer aux députés et aux sénateurs d’affecter leur réserve parlementaire à un projet dont le caractère d’utilité publique fera l’objet d’un contrôle par la Cour des comptes rendu public.

 

La lutte contre la fraude fiscale, l’offensive contre les paradis fiscaux, la transparence du patrimoine des élus et une transparence accrue du financement de la vie politique doivent être les quatre piliers de la prochaine loi de moralisation de la vie publique.

 

Cartes sur table publiera le 22 avril le 3e acte de ses propositions pour un « turn-over » de la vie politique. Retrouvez dès à présent en ligne l’acte I :

http://www.cartes-sur-table.fr/pour-un-turn-over-dans-la-vie-politique-acte-i-oui-au-non-cumul-integral/