Loi vieillissement : répondre à la révolution de l’âge
Publié le 22 Oct 2014Par Erwann PAUL et le groupe Santé de Cartes sur table
En clôture de la concertation nationale sur l’autonomie, la ministre déléguée aux personnes âgées et à l’Autonomie, Michèle Delaunay, a présenté le projet de loi d’adaptation de la société au vieillissement. Le projet répond à l’un des engagements de campagne de François Hollande, à savoir mener « une réforme de la dépendance permettant de mieux accompagner la perte d’autonomie ». Il s’articule avec la Stratégie nationale de santé qui fait du vieillissement l’une de ses priorités. Il sera discuté au Parlement courant décembre 2014 pour une entrée vigueur à compter de janvier 2015. Dans la perspective du débat parlementaire, Cartes sur Table en livre son analyse.
Le projet de loi doit répondre aux principaux défis auxquels sont et seront confrontés les personnes âgées
Le projet s’inscrit dans un processus continu, qui s’est accéléré ces dernières années, de réponse à la perte d’autonomie : introduction de l’allocation personnalisée pour l’autonomie en 2001, création de la caisse nationale de la solidarité et de l’autonomie en 2004, médicalisation des établissements pour les personnes âgées et développement des moyens humains et techniques favorisant le maintien à domicile.
Cette nouvelle réforme suscite de nombreuses attentes en raison de la « révolution de l’âge » à laquelle notre pays se trouve, d’ores et déjà, confronté. Une personne sur trois aura plus de 60 ans d’ici 2060 en raison de la progression de l’espérance de vie (80 ans en 2014 contre 47 ans en 1900). Deux générations de personnes âgées coexistent. C’est l’apparition du grand âge.
L’accompagnement, même s’il s’est considérablement amélioré au fil des années, souffre encore d’insuffisances patentes. Les sources de financement sont trop dispersées, les inégalités territoriales trop marquées, l’accompagnement à domicile encore insuffisant, les différents intervenants agissent en ordre dispersé et sans coordination. Ces faits ont des conséquences graves. Un quart des personnes âgées de plus de 75 ans sont en situation d’isolement. 28% des suicides en 2010 ont concerné des personnes âgées de plus de 65 ans. Sur 20% des aidants qui assument l’aide aux personnes âgées dépendantes, 40% se sentent dépressifs et 29% déclarent consommer des psychotropes.
Dans son rapport de juillet 2014, Cartes sur Table avait formulé plusieurs propositions pour faire du patient un acteur de son parcours de santé. Cartes sur Table propose notamment que l’autonomie du patient dans le système de santé soit au cœur de toute nouvelle réforme. C’est d’autant plus vrai pour les personnes âgées qui disposent de moins de ressources et d’énergie pour « affronter » le système.
Favoriser l’autonomie des individus est l’unique objectif des politiques progressistes. En matière de dépendance, cette ambition justifierait que l’intérêt de la personne âgée et de l’aidant priment plus systématiquement sur des préoccupations historiques, administratives ou territoriales. Pour nous, la prise en charge doit être réorganisée autour d’un triptyque : la prévention (l’avant soin), le cure (le soin), et la convalescence (l’après soin). Cette dernière est nécessaire pour les personnes âgées et doit être complétée par un renforcement des structures d’aval et de la place de l’aidant.
Le projet de loi impulse une vision de long terme mais doit être plus ambitieux encore dans son contenu.
L’effort important pour la prévention est à saluer, mais il doit être plus étendu
Le projet de loi contient plusieurs mesures favorables dans l’accompagnement vers l’après retraite et l’identification des facteurs de risques y étant associés : des « rendez-vous avec la République » menés par les caisses de retraites dans le cadre des prochaines COG, un « passage accompagné » à la retraite pour les publics les plus démunis, un programme de sensibilisation au repérage des risques de perte d’autonomie, la pérennisation de MONALISA. Le projet évoque également les actions préventives sanitaires devant être menées : le renforcement de la qualité des contrats éligibles à l’aide à la complémentaire santé, l’augmentation de 50 euros de cette aide prévue au sein de la LFSS 2014, l’adoption à venir d’un programme national de prévention du suicide des aînés ou encore la refonte de la formation des professionnels de santé devant intégrer le bon usage des médicaments.
L’accent mis sur la prévention doit être salué. Il rejoint notre volonté de voir adoptée une approche préventive plus systématique. Aller plus loin aurait été possible. La grille qui sert pour l’évaluation de la dépendance est insuffisante. Il serait pertinent de favoriser la prise en compte globale de l’environnement du sénior. Les actions de prévention développées par les caisses de retraite doivent également concerner les personnes âgées les moins dépendantes. Dans la lutte contre l’isolement des personnes âgées, une mise en réseau de MONALISA avec les autres associations de personnes âgées et leurs familles serait utile.
Par ailleurs, alors que la réforme n’évoque pas la question de la fin de vie et n’apporte aucune mesure concrète quant au respect du consentement, nous proposons de généraliser les directives anticipées et de les rendre opposables si elles sont émises dans un état de santé fortement dégradé. De même, la désignation de la personne de confiance pourrait être incluse dans les formulaires administratifs.
Le projet de loi renforce considérablement la démocratie des instances chargées de la dépendance, mais adopte une approche qui n’est pas suffisamment lisible
Le projet de loi contient des avancées importantes en matière de gouvernance. Le projet donne une place accrue aux usagers. Il crée une commission des usagers dans un Haut Conseil de l’Age. Il instaure, notamment, un droit au répit pour les aidants et propose un dispositif d’urgence en cas d’hospitalisation de l’aidant. Il renforce les prérogatives de la Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie vis-à-vis du Conseil Général dans l’harmonisation de l’octroi de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) dont les plafonds seront revus.
Ces évolutions sont positives même si les questions autour de la péréquation de l’APA et du statut de l’aidant demeurent en suspens. Cartes sur Table propose d’aller plus en avant en matière de pilotage de la politique de la dépendance. Nous souhaitons confier aux seules Agences Régionales de Santé la prise en charge des personnes âgées et handicapées, dans le cadre de Schémas Régionaux de l’Autonomie. Nous proposons également de créer un véritable statut de l’aidant (temps partiel, droit au répit, etc.).
Le projet de loi ne détaille pas assez le rôle des complémentaires dans l’accompagnement de la dépendance
Enfin, même s’il envisage un renforcement des complémentaires dans le financement de la dépendance, le projet de loi n’aborde pas en détail leur implication dans le parcours du sénior et le déploiement des actions de prévention. Nous militons pour le renforcement de la place de ces dernières. Et, pour plus de justice entre les personnes âgées et pour mettre fin à l’iniquité du système des Affections de Longues Durées (ALD), nous proposons la suppression du dispositif des ALD et sa substitution par une prise en charge à 100% des dépenses de santé des plus de 65 ans.