Par Corentin SIVY, responsable développement et acquisitions pour BayWa r.e. France, membre du groupe d’experts du débat sur la transition énergétique 2013

 

A l »occasion de la 6e édition des Mardis de l »avenir, Corentin SIVY dresse le tableau du potentiel des énergies renouvelables en France. La France fait partie de ces pays sans véritable ressource fossile abondante et bon marché. Mais cela représente une chance, car nous pouvons justement prendre de l »avance et développer les technologies de demain.

 

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La transition énergétique est nécessaire pour 3 raisons évidentes :

  • Environnementale avec un monde qui consomme en carbone fossile sur une journée ce que la terre a mis 1 000 ans à stocker dans ses végétaux, avec des bouleversements climatiques de plus en plus intenses qui vont frapper de plein fouet notre génération et les suivantes.
  • Economique avec une facture énergétique annuelle de 60 milliards d’euros, soit davantage que le plan d »économies actuel si complexe à mettre en œuvre. Plus de 600 milliards d’euro auront quitté notre territoire d »ici à 10 ans si rien n »est fait. Sans ces importations de combustibles, notre balance commerciale serait à l »équilibre. Notre économie reste à la merci de bouleversements géopolitiques et tributaire de trop nombreux régimes autoritaires.
  • Sociale avec le poids de cette facture énergétique toujours menaçant pour les ménages et malheureusement paralysante pour les politiques. Passer des énergies fossiles importées à de l »isolation et aux énergies renouvelables (ENR) permet de baisser la facture des ménages, et de substituer à des emplois hors du territoire des emplois locaux et une valeur ajoutée sur notre territoire.

La transition est très complexe à enclencher car il s »agit de bouleverser des situations et des rentes établies, et de réaliser un bond d »investissements sur le court terme pour des bénéfices énormes, mais à moyen et long terme.

C »est précisément la problématique des énergies renouvelables (ENR).

 

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Techniquement nous sommes en mesure d »imaginer et de mettre en œuvre un système 100% renouvelable. De plus en plus d »exemples locaux de dimensions intéressantes l »attestent, mais nous buttons sur le mur économique du très court terme et sur le courage politique nécessaire.

Nous proposons de fixer un objectif-guide ambitieux de 80% d »ENR dans notre mix énergétique global à l »horizon 2050 en mettant dès aujourd »hui l »accent sur le transport.

Nous savons fabriquer du gaz renouvelable (GNR), de l »hydrogène (H²) ou de l »électricité renouvelable que nous pouvons stocker dans des batteries de véhicules (et remettre sur les réseaux en période de creux de production). Aucune de ces technologies n »a encore été déployée à l »indispensable échelle industrielle en France, et la bataille fait rage pour savoir laquelle ou lesquelles de ces 3 filières (GNR, H² où Electrique) seront les plus compétitives. Elles conservent un point commun : la nécessité de produire de l »énergie avec des ENR pour s »affranchir des importations de combustibles et devenir réellement indépendants énergétiquement.

Nous faisons partie de ces pays sans véritable ressource fossile abondante et bon marché. Mais cela représente une chance, car nous pouvons justement prendre de l »avance et développer les technologies de demain, qui serviront au club toujours plus grand des pays à énergies fossiles épuisées, environnementalement ou économiquement non exploitables.

Pour lutter contre la précarité énergétique il convient de ne plus soutenir la demande en aidant à payer les factures, et donc en subventionnant du combustible importé. Il est temps d »avoir le courage d »utiliser le signal-prix en anticipant avant de la subir la hausse des prix des énergies fossiles. Ceci en les taxant davantage, pour investir immédiatement les revenus dégagés dans la lutte massive contre la précarité énergétique et pour le succès de l »ambitieux plan bâtiment français de 500 000 rénovations énergétiques par an. Il faut réussir à faire rester sur notre territoire cet argent qui fuit, à l »image de la chaleur dans nos « passoires thermiques ».

La hausse des prix de l »énergie est inéluctable, avec son cortège terrible de précarisation énergétique pour les ménages les plus modestes. Plus nous retarderons la transition, plus nous chercherons à bloquer artificiellement les prix, plus le rattrapage sera subi et catastrophique. En Allemagne, l »électricité pour les particuliers est presque 2 fois plus chère qu »en France et il n »y a pas davantage de ménages en précarité énergétique. Plus que cela, un ménage allemand consomme près de 30% d »électricité spécifique en moins qu »un ménage français.

 

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Cette transition va s »appuyer sur un bouquet d »ENR.

La plus utilisée et la plus connue de toutes est l »hydroélectricité. Si son potentiel en France apparaît relativement limité, il est encore possible d »équiper de nombreux sites de STEP (Stations de Transfert d »Energie par Pompage) marines ou terrestres de tailles variées pour répondre à de futurs besoins de stockage. A titre d »exemple, quand le vent souffle en abondance, les STEP stockent les surplus d »énergie produits en pompant l »eau dans un bassin supérieur, et quand le vent ne souffle pas suffisamment au regard de la demande d »énergie, les eaux du bassin supérieur redescendent vers le bassin inférieur en étant turbinées. Un cycle complet dispose d »un excellent rendement, proche de 85%.

Le solaire vient d »opérer une véritable révolution, passée relativement inaperçue en France pour l »instant, en divisant ses coûts par 5 en moins de 10 ans. Une grande centrale solaire peut aujourd »hui produire de l »électricité près de 20% moins chère que celle d »un EPR. Cette énergie va se déployer à très grande échelle, quelles que soient les résistances de certains grands groupes ou administrations, et c »est une bonne nouvelle car l »essentiel de la valeur ajoutée est locale. Si le tissu industriel de cette technologie a été très malmené ces dernières années en France, une levée des freins administratifs peut permettre de redonner vie au vaste réseau de PME/PMI qui s »était constitué en quelques trimestres.

L »éolien terrestre est aujourd »hui en France l »ENR la plus compétitive et elle dispose comme pour le solaire d »un marché mondial en très forte croissance. Là encore le tissu industriel, où la valeur ajoutée est plus forte que pour le solaire, a été très fortement malmené en France ces dernières années. A l »image de ce qui entoure aujourd »hui le constructeur Alstom qui implante avec succès des éoliennes terrestres partout dans le monde, ce n »est pas terminé.

Eolien comme solaire ont été grandement critiqués sur leurs difficultés à implanter du tissu industriel en France. Mais cette critique est terrible car c »est justement par l »instabilité réglementaire extrême et l »absence de volonté politique suivie que ces secteurs n »ont pas réussi à s »implanter normalement. Il est temps de tirer les leçons de ces échecs relatifs et d »inciter nos grands groupes nationaux à s »y lancer réellement, et cela passe par l »ouverture d »un vrai marché national. Nul besoin de révolution, l »objectif affirmé de 50% de nucléaire en 2025 doit simplement s »accompagner d »un objectif d »au moins 40% d »ENR dans le mix à cette même échéance, ce qui n »est très curieusement pas le cas actuellement.

Les énergies marines n »ont pas encore atteint la maturité du solaire ou de l »éolien terrestre mais disposent de grandes marges de progression. Si les énergies marines proprement dites ont un potentiel de déploiement physiquement limité (hydroliennes, houlomoteur, marémoteur, etc.), l »éolien off shore, en particulier flottant, dispose d »un formidable potentiel. Mais son exploitation passe par des sauts technologiques et industriels pour abaisser ses coûts, aujourd »hui 2 fois et demi plus élevés que l »éolien terrestre. Pas de secret, cela passe par une industrialisation massive et un marché national important. La puissance produite est impressionnante, un parc de 160 éoliennes Areva de dernière génération (8 MW), produit autant qu »un réacteur nucléaire, et ne passe pas sous les 80% de temps de fonctionnement à pleine puissance sur les quatre mois d »hiver, période de plus forte demande.

Les différentes utilisations de la biomasse sont souvent les plus ignorées du grand public. C »est pourtant là que réside la clé de la réussite de la transition énergétique. Nous avons la capacité de produire une part très significative de notre consommation de gaz de manière renouvelable et à un coût intéressant, en particulier une fois prises en compte les différentes externalités. Un gaz produit en France, même plus cher que le gaz acheté à la Russie ou l »Algérie, c »est de l »argent qui reste sur le territoire, des emplois locaux et des revenus complémentaires pour notre agriculture de plus en plus difficilement dépendante de la PAC.

Si la biomasse peut produire directement carburants et électricité, son usage le plus rationnel et le plus durable reste dans une diversification avec la production de biogaz, utilisable pour nos transports ou directement injectable dans nos réseaux de gaz. Notre potentiel est sous-utilisé, alors même que nous disposons de la 1ère forêt européenne, de la plus grande surface agricole de l »UE et de fleurons industriels du gaz.

La géothermie complète ce tableau, avec un potentiel quasiment inexploité. La géothermie peut pourtant être utilisée pour le chauffage, pour refroidir, pour produire de l »électricité. Il manque ici de véritables incitations économiques et là encore, la faiblesse artificielle des coûts de l »énergie fossile et fissile en France n »incite pas à définir un cadre économique viable. Nous préférons malheureusement importer du combustible et ne pas prendre en compte ses externalités négatives plutôt que d »exploiter localement des gisements présents sur notre territoire.

 

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De manière transversale dans ce tableau sur les ENR, une composante peu connue de cette transition énergétique est le rôle central et indépassable joué par l »agriculteur. Celui-ci dispose d »un espace qui reçoit du soleil, du vent, de l »eau, qui voit croître de manière renouvelable une importante quantité de biomasse, et qui dispose d »un sous-sol avec un potentiel géothermique.

Les aides de la PAC diminuant, la production d »ENR, en propre ou déléguée à des entreprises spécialisées moyennant loyers, va s »affirmer comme une composante de plus en plus forte et indispensable pour nos agriculteurs. Les agriculteurs allemands ne s »y trompent pas, dans certains Länders, la part de leurs revenus issus des ENR dépasse les 30%, ce qui a permis de compenser davantage que la baisse des aides de la PAC. Au lieu de subventionner la production agricole, on leur permet d »exploiter leur potentiel énergétique, et par la diversification et l »augmentation de leurs revenus, on pérennise leur production agricole. Si les politiques sont bien calibrées pour éviter tout effet pervers, un double objectif est alors rempli avec un niveau bien inférieur d »aides publiques.

La France perd un grand nombre d »exploitations agricoles chaque année, et des régions tendent vers des déserts agricoles où la friche gagne sur les cultures. Si cela peut avoir un effet indirect bénéfique pour une autre biodiversité, c »est catastrophique pour l »économie de nos territoires ruraux. Pourtant ces exploitations ont tout un cocktail d »ENR à exploiter. La transition énergétique passera par les territoires ruraux.

 

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